Marojejy
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Créé par fanantenanaespoir le 14 mar 2013 | Dans : Marojejy
Situé dans la partie Nord-Est de Madagascar entre les villes d’Andapa et Sambawa le Parc de Marojejy s’étend sur 60000 ha. Le sommet du massif culmine à 2132m. Un endroit rare où il est possible de marcher en partant des forêts de basse altitude jusqu’à la toundra de haute montagne et sa brousse ericoïde. La diversité de vie y est extraordinaire. Maurice, Guy et moi nous nous réjouissons de le découvrir.
1er jour. Nous attérissons à Sambawa où l’odeur de la vanille nous titille les narines. Jean-Clause avec son taxi 4L nous enmène à Andapa. Avec Flavienne et Eric nous organisons notre expédition sur le Marojejy. Nous rassemblons nos provisions pour quatre jours d’aventure (riz, carottes, poulet vivant, poissons séchés, conserves, haricots …) sans oublier les bougies et surtout les boissons.
2ème jour. Nous sommes arrivés à l’entrée du Parc. Il fait très chaud et humide. Nous sommes en nage dès les premiers efforts. Felix notre guide nous encourage et nous promet dès que la forêt sera plus dense il fera moins chaud.
Nous entrons dans la forêt et partout autour de nous d’étranges bruits se font entendre. Felix nous dit que se sont les lémuriens. Il nous montre sur un tronc le roi du camouflage, je le distingue à peine, Guy voudrait le toucher car lui non plus n’arrive pas à le voir distinctement. Felix nous en empêche « attention il mord ». Plus loin un serpent aux couleurs beige et noir se glisse entre les feuilles et du haut d’un buisson un caméléon nous observe. Et là tout près de ma main sur une branche une ribambelle de fourmis coiffées d’une couronne blanche se déplacent à la queue leu leu.
Couverts de sueur, éreintés, fatigués mais heureux d’avoir vu le couac bleu, le mille pattes rouge, l’oiseau endémique vanga et son nid, nous arrivons au camp Mantella à 450 m d’altitude.
Après une petite pause, nous sommes allés voir la cascade Humbert. Un site magnifique où il fait bon se rafraîchir quand il fait si chaud. Nous nous amusons comme des enfants en nous éclaboussant. Felix nous rappelle et nous donne l’ordre de rentrer au campement, la nuit tombe très vite. D’ailleurs le ciel s’obscurcit, des nuages menaçants s’accumulent au-dessus de la forêt, l’orage est proche. Nous nous hâtons, il faut traverser le torrent avant la pluie. A peine entrés dans les cabanes qu’un rideau d’eau tombe du ciel. Jamais je n’avais vu tomber tant d’eau à la fois. Au bout d’une heure la pluie se calme et l’orage s’éloigne, nous grimpons un petit sentier boueux et glissant pour rejoindre Primo le cuisinier. Il nous a préparé un bon repas ; des haricots, des nouilles aux carottes. Puis nous allons nous coucher dans nos petites cabanes de toile de quatre places.
La forêt humide nous offre un concert de croassements de grenouilles verte, rouge et jaune. Mais bien vite le sommeil nous gagne.
3ème jour. Au matin très tôt vers 5h nous faisons un brin de toilette avec l’eau fraiche du torrent. Quelques rayons de soleil commencent à traverser le feuillage dense des arbres. En route vers Simpona. Le sentier devient de plus en plus abrupt et étroit. La mousse humide et les feuilles rendent le sol glissant. Le sentier se cache sous une multitude de racines enchevêtrées.
Une sangsue s’est fixée sur le pied de Felix. Je meurs de soif et mes vêtements sont trempés de sueur. Je ne comprends pas cette fatigue qui m’envahit doucement car j’ai l’habitude de faire des randonnées assez ardues dans les Vosges et dans les Alpes. J’essaye de me raisonner, de contrôler ma respiration, de bien regarder où tu mets les pieds, le camp Simpona n’est pas si loin ….
Nos efforts sont récompensés, nous arrivons au belvédère. Un magnifique panorama s’offre à nous.
Le camp se trouve à une centaine de mètres. encore un petit effort et je pourrai m’allonger. J’ai les jambes en compote.
Je n’avais même pas le temps de récupérer que Maurice et Guy me secouent. Lève toi nous allons voir les Sifaka soyeux, ce sont de lémuriens qui vivent uniquement ici, il y a une famille tout près, viens Felix va nous les montrer. Nous allons suivre une équipe de chercheurs qui sont sur place depuis 6 mois et qui savent où les voir de près sans les déranger.
Ces lémuriens sont baptisés « les fantômes de la forêt » car tels des ombres blanches ils semblent traverser les arbres.
4ème jour. C’est le grand jour. Nous allons monter au sommet. La nature qui nous entoure nous émerveille.
très vite le sentier devient raide. Il faut avancer à quatre pattes, les racines sont gigantesques, un mauvais pas est c’est la chute assurée. Il fait très chaud, nous transpirons énormément.
Après une heure d’effort nous atteignons une plateforme. Il fait bon de s’assoir et de souffler un peu avant d’attaquer la dernière montée.
Une orchidée nous encourage à reprendre l’escalade. Guy ouvre le chemin, le sommet n’est pas loin.
La nuit tombe très vite. Primo nous prépare un dernier repas, le poulet. Mais se suis trop fatiguée et je ne peux pas honorer ce festin. Je me contente de manger un peu de salade de carottes.
5ème jour. Dernière étape, après avoirt fait notre toilette matinale, nous descendons vers Mandena. La forêt nous offre encore quelques merveilles, un tapis étincellant de mousse orange, un énorme arbre qu’on nomme l’étrangleur car il sait encercler et étouffer les arbustes qui ont la malchance de pousser près de lui.
Nous traversons quelques petits torrents où sous les cailloux se cachent des crabes. La forêt s’éclaircit, le sentier devient plus large. Au bout de 7h de marche intense nous arrivons à l’entrée du parc. Tout ce qui m’entoure est merveilleux, mais mon corps transpire , j’ai l’impression de me transformer en flaque d’eau. Il faut à tout prix que je me repose.
Tout en me reposant les mots de Marcel Aymé me reviennent en mémoire « La forêt c’est encore un peu du paradis perdu. Dieu n’a pas voulu que le premier jardin fût éffacé par le premier péché« et ceux de Pierre Gascar » Les forêts sont la mémoire de la terre. Elles perpétuent l’image des âges primitifs et reproduisent aux dimensions du monde, la zone de clair-obscur que comporte notre esprit. »
Mais aujourd’hui le Marojejy est menacé. La population s’est installée plus largement à l’intérieur du parc et a brûlé ( tavy) d’importantes surfaces de forêt pour faire pousser le riz et le manioc. Toutes les forêts adjacentes au parc ont été coupées et brûlées. Nombreuses sont aussi les coupes illégales de bois précieux tels les bois de rose, un bois d’une exceptionnelle beauté, fort prisé en Chine et dans le monde occidentale.
Le Marojejy n’est plus qu’un îlot de forêt primaire. L’avenir de cet endroit extraordinaire, unique est bien sombre.